« A la rue, j’étais isolée dans mon malheur »

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Elles sont plus de 31 000*. Elles vivent cachées, parfois dans les profondeurs des couloirs du métro. Elles essayent de se fondre dans l'environnement urbain. Elles, ce sont les femmes sans abri. Très vulnérables et exposées aux violences physiques autant que sexuelles. Grace**, 47 ans, vivait à la rue avant d’arriver à la Cité de Refuge, elle vous raconte ce qui a été son calvaire.

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Grace
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Accueillie à la Cité de Refuge
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« Le repas du midi est servi : aujourd’hui, j’ai pris des frites et de la macédoine. Après des semaines et des mois à la rue, ici dans ce centre d’hébergement d’urgence de l’Armée du Salut, je me sens en sécurité. Je me suis fait de nouvelles amies et je participe aux activités, il y a quelques jours nous sommes allées au pied de la tour Eiffel, nous sommes allées au cirque et on a regardé des films. 

Je suis arrivée à la Cité de Refuge le 8 décembre 2017, quand ont été ouvertes plus de 30 places pour les femmes isolées à la rue. Quand je suis arrivée ici, c’était le soulagement. Les travailleurs sociaux m’aident dans mes démarches de demande d’asile et essaient de me trouver une place à plus long terme dans un autre établissement.

Je suis soulagée car je n’ai plus à appeler le 115 tous les soirs pour réserver une place dans le centre d'hébergement et d'accueil des personnes sans abri (Chapsa), à Nanterre, qui accueille chaque nuit 250 hommes et femmes venant de Paris et sa banlieue.

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Dormir dans les halls d'hôpitaux, les stations de métro et dans la rue

Tous les jours, à 15 heures et à 22 heures, un bus attend les personnes sans abri à la porte de la Villette pour les emmener jusqu’au Petit-Nanterre, où se trouve le centre d’hébergement. Faute de places dans le bus, parfois certaines personnes sans abri restent avec une seule et unique solution : dormir à la rue.

Je vivais en Côte d’Ivoire, où je gérais une petite entreprise d’artisanat. Plusieurs maçons, plombiers travaillaient sous ma direction. Mais la guerre civile en 2011 et ses conséquences ont sonné le glas de mon entreprise. J’ai rencontré beaucoup de difficultés pour obtenir des chantiers et j’ai dû fermer. Je me suis retrouvée sans travail avec un fils de 13 ans qui est resté en Côte d’Ivoire chez sa demi-sœur. J’ai décidé de venir en France pour préparer une vie meilleure pour mon fils. Dans le vol d’Abidjan à Paris, je voyais que le monde était à mes pieds mais j’ignorais que ce voyage allait se transformer en arrivant en France en naufrage. 

Je suis arrivée en France en avril 2017, à 47 ans. Une amie a accepté de m’héberger dans une chambre, mais un jour elle m’a mise dehors. Je me suis retrouvée seule, échouée, à la rue. Les halls des hôpitaux, les chaises des urgences et les stations de métro étaient devenus mes abris pour passer la nuit, mais sans pouvoir dormir car j’avais peur de me faire agresser. Pendant plusieurs mois, j’ai fait mine de dormir 20 pieds sous terre, dans le métro, blottie au fond de ma couverture pour échapper aux regards des personnes. J’étais isolée dans mon malheur.  

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Construire une vie en France et faire venir mon fils 

Sans abri, mais pas sans emploi. J’ai travaillé pour survivre, j’ai fait du ménage chez des particuliers pour me payer à manger. Pendant plusieurs semaines, j’ai travaillé dans une cafétaria dans Paris où je dormais quand l’enseigne fermait. Mais le patron a décidé, lui aussi, d’arrêter de m’abriter. Lorsque je ne trouvais pas un travail rémunéré, j’allais dans un centre d’accueil de jour dans Paris pour manger et surtout dormir. Survivant dans des conditions de vie très déplorables, j’ai contracté une maladie respiratoire et suis devenue sujette à l’hypertension artérielle. 

Le peu d’affaires personnelles que je possède je les laisse dans une bagagerie, que je récupérerai quand j’aurai un hébergement.

Aujourd’hui, à la Cité de Refuge je suis sûre d’être à l’abri et de pouvoir me construire une vie en France. Je rêve de pouvoir un jour trouver un hébergement et pouvoir faire venir mon fils. 

* Selon les derniers chiffres du Samu Social, 22% des personnes sans abri sont des femmes soit plus de 31 400 femmes sans toit. 

** Le prénom a été modifié