Léa a vécu l'enfer de l'esclavage moderne. Elle témoigne.
Elle fait partie de ces millions de femmes, hommes et enfants qui viennent noircir, encore plus, le tableau de la traite des êtres humains. L'esclavage moderne et la traite des êtres humains sont des prisons invisibles. Exploitation sexuelle, prostitution, Léa livre son récit de souffrance.
« Je m’appelle Léa . J’ai quitté le Nigéria quand j’avais presque 14 ans. Ma famille était très pauvre, mon père travaillait seulement quelques jours par mois.
Un jour, une dame est venue dans notre village et mes parents sont entrés en contact avec elle. Elle nous dit qu’elle pouvait m’emmener en Europe pour me faire travailler en tant que nounou. Ma famille accepte.
Ma famille sera maudite et mes parents pourraient mourir
Le soir, avant le départ, je vais à une réunion très bizarre, il y avait un prêtre qui m’a fait boire une boisson dégoutante et la dame qui était venue chez moi me fait promettre que j’aurais remboursé les frais de voyage et d’hébergement une fois arrivée en Europe. Elle me dit que si je ne le ferai pas, ma famille sera maudite et mes parents pourraient mourir. J’ai dû promettre aussi que je ne parlerai jamais d’elle en cas de contact avec la police. La dame me donne un portable avec une carte téléphonique, à utiliser pour se tenir en contact en Europe.
Le jour suivant je suis partie ; il y a d’autres filles que je ne connaissais pas. Le voyage a été très long, on a voyagé pendant des mois. Enfin, les deux hommes qui nous accompagnent nous disent que nous sommes arrivés en Lybie. Ils nous disent que, pour arriver en Europe, il faut qu’on paie le trajet mais je n’ai pas d’argent avec moi. C’était la dame qui est venue chez moi qui a dit qu’elle aurait tout payé. Pourquoi maintenant ils me demandent de l’argent ? Je suis dans le désespoir, je voudrais être chez moi, j’ai peur, très peur.
Ils nous ramènent dans un lieu très sombre, à l’entrée il y a des gardiens. Ils nous disent qu’on va dormir là-dedans et que ça sera quelqu’un d’autre qui nous emmènera en Europe. Ils parlent avec un homme qui, après, nous emmène chacune dans une chambre. Il est très agressif et il nous parle dans une langue que je ne connais pas.
Après m'avoir violentée, il part.
Dans la chambre, je fatigue à m’endormir, même si je suis fatiguée. Un homme ouvre ma porte et vient vers moi. Il ne me parle pas mais il commence à me toucher. Je ne veux pas, je crie, je crie mais personne ne vient m’aider. Il me fait mal, je pleure. Je n’oublierai jamais l’odeur de sa peau et ses mais qui me tapaient la bouche. Après m'avoir violentée, il part. La nuit d’après l’histoire recommence mais ce ne sera pas seulement un homme. Ils seront plusieurs pendant toute la nuit pour des mois entiers qui semblent ne jamais se terminer.
Je vis les dernières heures de ma vie
La journée, je dors. Au début je n’avais plus envie de manger, tout me dégoûtait, je ne voulais rien de ces personnes. Mais je dois survivre, je dois penser à ma famille.
Un jour, le propriétaire de la « maison », me dit que je peux partir en Europe. Le soir même il me conduit vers la mer. Il y a un petit bateau et il y a trop de monde qui doit monter. J’ai de nouveau peur mais je suis obligée de monter. Probablement, je vis les dernières heures de ma vie. De toute façon, je suis déjà morte la nuit où j'ai été violée. Qui va pleurer pour moi ?
Pendant la traversée, un bateau vient à notre secours. Le jour d’après nous accostons en Italie. Les médecins me consultent et on me conduisent dans un centre. On me dit qu’ils vont m’aider mais avant je dois raconter ce qu’il s’est passé et comment j’ai fait pour arriver ici. Je ne veux rien dire. J’appelle la dame et elle me dit de quitter le centre le plus vite possible car je suis en situation irrégulière et ils vont contacter la police pour me renvoyer dans mon pays d'origine. Les jours qui suivent, je rentre en contact avec un homme qui me paie un billet de train pour Naples où j'allais rencontrer cette fameuse dame.
Quand je la rencontre elle me dit que je dois me reposer et qu’elle m'installera dans un appartement. Depuis quelques jours, je lui demande comment je vais travailler si je ne maîtrise pas la langue. Elle me dit : « Tu n’as pas besoin de connaitre la langue, tu iras te prostituer directement dans cet appartement ». Je me sens en enfer, mon cauchemar n'est pas terminé et je ne sais pas s’il finira un jour.
Après quelques mois passés en Italie, elle me dit que je dois partir en France. Je serai accompagnée par un homme qu'elle connait.
Une fois en France, je commence à me prostituer dans la rue. Je tombe enceinte, je le dis à la madame mais elle veut me faire avorter. Je trouve un moyen pour m’enfuir, je dors dans la rue. Après quelques jours, je rentre en contact avec une association qui aide mon enfant et moi.
Maintenant je suis à l’abri, mon enfant n’est pas avec moi car je n’ai pas les moyens pour m’en prendre soin mais je vais régulariser ma situation. Je veux apprendre la langue française pour avoir un travail et avoir mon bébé avec moi. »
