Réfugié, Dominique fait chanter les ciseaux à l’Armée du Salut

Publié le : 25 avril 2019
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Alors qu’il menait une vie paisible, entre sa maison et son salon de coiffure, Dominique a dû fuir son pays à la suite de menaces de mort. Après avoir connu la rue et les appels répétés au 115, il est désormais hébergé dans le centre d’hébergement havrais de l’Armée du Salut. Aujourd’hui c’est tout naturellement qu’il a choisi de mettre ses talents de coiffeur au service des résidents qui passent des entretiens d’embauche. Il vous livre un récit empli d’espoir.

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Nom, prénom témoignage
Dominique
Détail sur la personne
Réfugié et accueilli au Phare, Le Havre
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Redacteur
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« Je menais une vie paisible avec ma famille à Kinshasa, la capitale de la République Démocratique du Congo. Je tenais, depuis 1993, un salon de coiffure dans lequel je vendais aussi des produits de beauté. Les affaires marchaient bien et j’étais heureux avec ma famille. 

Dans ma famille, nous étions proches d’un pasteur qui était très investi dans la vie politique du pays. La République démocratique du Congo est hélas traversée par des nombreuses divisions politiques. En 2014, nous avons soutenu ce pasteur, quand il nous a appelés à nous mobiliser pour nos droits. 

Les manifestations ont tourné court et mes amis ont été tués devant mes yeux. Après ce jour, tout a changé. Je ne suis plus retourné chez moi. J’ai dû fuir ma ville. Je n’ai jamais revu ma famille. Mon beau-frère m’a aidé à me cacher. Finalement, j’ai été forcé de quitter mon pays.

Du Congo-Kinshasa, je me suis rendu en Tanzanie pour quitter l’Afrique. Avec l’argent que j’avais gagné en travaillant, je me suis payé un billet d’avion. Un ami m’a conduit à Zurich, en Suisse, puis à Genève et ensuite Neuchâtel. Avant d’arriver en France, à Paris précisément.

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A mon arrivée en France, je ne connaissais personne. Une personne d’origine congolaise m’a aidé à trouver de la nourriture, car tout l’argent que j’avais, je l’avais dépensé pour acheter des billets de train. 

C’est à Evreux (Essonne) que je me suis rendu dans des associations pour demander de l’aide. Mais c’était difficile, je suis resté quelques jours en région parisienne avant de me rendre à Rouen où une association m’a hébergé. 

Je passais des nuits dans la rue, derrière l'hôpital, dans les bateaux...

En 2015, je suis arrivé au Havre. Tous les jours, j’appelais le 115 mais j’ai rarement eu une nuit d’hébergement dans un centre ou un hôtel. Entre 2016 et 2017, j’ai dormi à la rue et j’allais dans les distributions alimentaires gratuites pour manger.

Je connaissais la ville par cœur. Le Havre c’est comme ma maison : je passais des nuits dans la rue avec des amis, je dormais derrière l’hôpital, dans des bateaux, dans les parcs, la gare ou sur les campus universitaires. 

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Les rêves ne se réalisent pas en un jour 

La rue c’est violent ! J’ai été agressé par un homme parce que j’ai défendu une personne qui se faisait frapper, je l’ai conduite ensuite à l’hôpital pour qu’il se fasse soigner. La rue nous rend solidaires aussi. 

C’est en 2017 que j’ai poussé la porte du Phare, un centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) de la Fondation de l’Armée du Salut au Havre. J’ai commencé par travailler aux ateliers d’adaptation à la vie active (AVA) dans la plomberie ou l’électricité. 

Je suis suivi depuis deux ans par un psychologue, car les drames et les massacres que j’ai pu vivre au pays m’empêchent de dormir et de me concentrer pendant les cours de français. Les souvenirs des massacres me coupent l’appétit, font fuir le sommeil. 

Aujourd’hui, mon rêve est d’avoir un travail. En attendant, je prépare les personnes accueillies au Phare et qui sont en recherche de travail : je les coiffe avant l’entretien d’embauche. L’apparence joue beaucoup dans le parcours de réinsertion.

J’ai deux autres rêves : ouvrir un restaurant vegan, car je suis végétalien et faire venir en France ma famille car elle me manque. Mais je sais que les rêves ne se réalisent pas en un jour »