« Sans l’Armée du Salut, j’aurai pu mourir », Bernard, ancien alcoolodépendant.
Noyé dans l’alcool pendant plus de 20 ans, Bernard a failli perdre la vie. Après un grave accident de voiture, il est accueilli par l’Armée du Salut, au Havre. Il a reconstruit sa vie loin de l’amertume de l’alcoolisme. Aujourd’hui sevré et indépendant, il a créé une structure pour accompagner les personnes souffrant d’addiction. Un long cheminement vers la libération qu’il nous raconte.
« J’ai 72 ans aujourd’hui. J’ai commencé par boire du cidre à l’âge de 8 ans. Puis l’alcool à 18 : sans modération. L’alcool a fait son lit dans mon corps. A tel point que pendant plusieurs années, tous les matins je devais boire un ou deux verres pour éviter de trembler. Je buvais jour et nuit.
J'étais ivre mort. J'ai conduit. J'ai eu un accident.
Ma vie est devenue instable à cause de l’alcoolisme. Une vie vulnérable, dépendante, qui se plie face à la boisson. J'ai fait tous les métiers : agriculteur, enseignant, comptable, responsable en entrepôt. Mais à chaque fois je démissionnais. Je n'en pouvais plus des boulots où je ne pouvais pas boire. Je me suis retrouvé sans emploi. Devenir addict, c'est perdre sa liberté, se refermer sur soi. J’étais prisonnier de l’alcool ! J’avais essayé à plusieurs reprises de réduire ma consommation d’alcool mais à chaque fois je reprenais le verre…
Un jour, pendant les vacances d’été, je suis allé dans un bar. J'ai bu jusqu’à la déraison. J'étais ivre mort. Je suis tombé mais j'ai quand même réussi à conduire. Sur la route, au bout d'une ligne droite, j'ai eu un accident. La voiture est partie en tonneaux.
Après mon accident, je me suis retrouvé à l’hôpital, dans la ville de Bernay (Eure). Ma femme était venue m’apporter ma valise. Elle avait prévenu le service de l’hôpital qu’elle me mettait dehors. Je me retrouvais sans toit. A la sortie de l’hôpital, j’ai été suivi par une assistante sociale. Elle m’a orienté vers la ville du Havre.
Un matin du mois d’août 1987, je poussais pour la première fois les portes du Phare, un établissement de l’Armée du Salut au Havre. Je posais ma valise dans les locaux de ce centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) de l’Armée du Salut et je confiais ma vie entre les mains des professionnels du médico-social.
Sans l'Armée du Salut j'aurai pu mourir mais j'ai eu la chance de trouver le Phare, qui m'a sauvé.
Je dormais dans une chambre au 5ème étage de ce grand bâtiment. Toutes les semaines, pendant 9 mois, j’ai assisté à un groupe de parole pour réfléchir à la consommation d’alcool. Nous étions plusieurs résidents du Phare à participer à ces séances. Les éducateurs de l’Armée du Salut étaient devenus nos « psychologues ». Je me sentais compris, accepté. Quand en pleine période de sevrage physique et psychologique, j’avais des hauts et des bas, ils étaient présents pour me parler, m’écouter, me soutenir. L’Armée du Salut a été une étape essentielle dans ma reconstruction. Sans elle j'aurai pu mourir mais j'ai eu la chance de trouver le Phare, qui m'a sauvé.
En mai 1988, cela faisait neuf mois que je n’avais pas bu une goutte d’alcool. Je quittais alors le Phare. On ne sort pas de l’alcool, on sort d’une vie pour en construire une autre. Je devais convaincre mes proches que j’avais changé. Toute l’attention et toute la chaleur humaine que j’avais reçue à l’Armée du Salut m’ont aidé à gérer mes émotions, mes anciennes et nouvelles relations.
J’ai cherché et retrouvé un emploi. J’ai renoué les liens avec ma femme. J'ai passé les plus belles années de ma vie quand j'ai arrêté l'alcool, complètement.
Aujourd’hui, je suis président de l'association Entraid'Addict pour l’Eure et nous accompagnons les hommes et les femmes, quelles que soient leurs addictions. Les démarches d’accompagnement des personnes alcoolodépendantes dans leur relation à l’alcool et leur parcours de soin transforment positivement leurs vies.
Mon accident de l’été 1987, l’Armée du Salut et l’association Entraid'Addict sont les éléments incontournables de ma nouvelle vie. S'il manquait un des trois éléments dans mon parcours, je n'aurai pas survécu ! »
Selon le baromètre de Santé publique France publié à l’automne 2020 et réalisé auprès de 14 873 individus entre juin et juillet 2020, 23,7% des 18-75 ans boivent davantage d’alcool que les seuils recommandés. Soit quasiment un Français sur quatre.
Propos recueillis par Mayore Lila Damji