Ne laissons pas la pauvreté devenir quelque chose d'acceptable

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Comment se fait-il que la France ne parvienne plus à faire reculer la misère ? Trente ans après la «grande cause nationale 1994», le collectif Alerte préconise de changer de braquet et d’investir plus en amont pour éradiquer la pauvreté à la racine. 
Tribune publiée par Libération et signée par Guillaume Latil, directeur général de la Fondation.

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Ne laissons pas la pauvreté devenir quelque chose d'acceptable
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La France tolère aujourd’hui ce qui était inacceptable hier. Plus de 9 millions de personnes sont en situation de pauvreté en France métropolitaine dont près de 4 millions en situation de grande pauvreté. Des milliers d’enfants dorment à la rue chaque nuit et pour au moins 8 millions de personnes, l’accès à une alimentation suffisante et digne demeure un défi quotidien, malgré leur droit à l’alimentation. Pire encore, il faut 6 générations pour qu’un descendant de famille pauvre atteigne le revenu moyen en France.

Voilà 30 ans les associations de solidarité et de défense des droits humains s’étaient réunies pour réclamer d’une même voix un pacte contre la pauvreté. Depuis cette « grande cause nationale 1994 », les plans de lutte contre la pauvreté se sont succédés, mais la pauvreté a continué de toucher un nombre croissant de personnes. Nous ne pouvons nous résoudre à cette triste fatalité ! Comme Victor Hugo, nous sommes « de ceux qui pensent et qui affirment qu’on peut détruire la misère ». Nous ne pouvons pas fermer les yeux sur la pauvreté qui s’enracine au sein de notre société. Les personnes en situation de précarité ne demandent pas la charité, elles demandent l’égal accès aux droits, l’égalité des chances et le respect de leur dignité.
 

Comment se fait-il que notre modèle social socle de notre démocratie, ne parvienne plus à faire reculer la misère ? Notre système est très redistributif mais de plus en plus ignorant du coût de la pauvreté. Nous avons évalué que chaque année, la France dépense plus de 50 milliards d’euros directement contre la pauvreté mais elle subit indirectement presque 70 milliards d’euros de coûts indirects des conséquences de la pauvreté : mauvaise santé, échec scolaire, privation d’emploi… 

Il faut changer de braquet et investir plus en amont pour éradiquer la pauvreté à la racine en assurant aux personnes un revenu digne, l’accès à une alimentation nutritive, un accompagnement vers l’emploi décent et durable, une offre de logement abordable, des soins de santé accessibles et répondant aux besoins des personnes… plutôt que de subir les conséquences sociales, sociétales, mais aussi économiques de la pauvreté. 

Ainsi, si le retour à l’emploi est une des clés de la sortie de la pauvreté, nous le savons, une politique de lutte contre la pauvreté axée uniquement sur le travail est vouée à l’échec ainsi que l’atteste la récente hausse du nombre de personnes en situation de pauvreté malgré la baisse du chômage. Les déterminants de la pauvreté sont multidimensionnels et appellent des réponses structurelles et coordonnées dans plusieurs domaines.


Si les acteurs associatifs luttent sans relâche auprès des personnes dans les villes comme dans les campagnes, leur action seule ne suffira pas. Et ils s’épuisent car le nombre de personnes en précarité augmente sans cesse et de nouveaux publics sont touchés et risquent de basculer, tandis que leurs moyens et les conditions de leur action ne cessent de se dégrader. Un engagement politique est donc indispensable pour garantir des conditions de vie dignes à chacune et à chacun. 

Cela passe notamment par le renforcement de l’accessibilité des services publics pour les personnes les plus en difficulté. En ce sens, nous demandons une action résolue contre les entraves aux droits à laquelle devra contribuer la solidarité à la source.

Face aux enjeux du pays, qu’ils soient sociaux, écologiques, agricoles ou économiques, stigmatiser les personnes en situation de pauvreté ne sera en rien une solution d’avenir. Nous devons au contraire répondre à partir des personnes concernées par la confiance, la solidarité, l’engagement collectif dans la durée et aussi par l’audace. La France pourrait être fière d’être le premier pays au monde à se doter d’un objectif d’éradication de la grande pauvreté !

Ensemble, travaillons pour faire de la France un pays où chacun a sa place, où personne n’est laissé pour compte, et où la pauvreté appartiendra enfin au passé.

Signataires :
• Noam LEANDRI, président du Collectif ALERTE
• Didier DURIEZ, président du Secours catholique
• Marie-Aleth GRARD, présidente d’ATD Quart monde
• Valérie FAYARD, présidente de La Cloche
• Anne GENEAU, présidente des Petits Frères des Pauvres
• Bruno MOREL, président d’Emmaüs France
• Daniel GOLDBERG, président de l’UNIOPSS
• Laurent El GHOZI, président de la Fnasat-Gens du voyage
• Laurent PINET, Président Coorace
• Christophe ROBERT, délégué général de la Fondation Abbé Pierre
• Marie-Andrée BLANC, présidente de l’Union nationale des associations familiales (Unaf)
• Aïcha KORAÏCHI, présidente d’Action contre la Faim
• Pascal BRICE, président de la Fédération des acteurs de la solidarité
• Guillaume LATIL, directeur général de la Fondation de l’Armée du Salut
• Olivier RIGAULT, président de l’Unafo, Union professionnelle du logement accompagné
• Nathalie TEHIO, présidente de la LDH (Ligue des droits de l’Homme)
• Najat VALLAUD-BELKACEM, présidente de France Terre d’Asile
• Philippe PELLETIER, président d’Habitat et Humanisme
• Claire d’HENNEZEL, Agence nouvelle des solidarités actives
• Henry Masson, président de La Cimade

Type de la publication
Plaidoyer