Aumônier en prison : un ministère qui transforme

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Le major Jean-Paul Thöni, nommé au service des prisons de l’Armée du Salut a exercé la fonction d’aumônier durant une quinzaine d’années. Marqué par les rencontres de «ceux qui n’intéressent personne», il nous livre : « La prison ne vous laisse pas indemne. On n’en ressort pas comme on y est entré.»

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Jean Paul Thöni aumônier Armée du Salut France
Nom, prénom témoignage
Jean-Paul Thöni
Détail sur la personne
Ancien aumônier à l'Armée du Salut
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Jean-Paul, avez-vous toujours été intéressé par le milieu carcéral ? 

La prison n’est pas le souci premier des Français. Si on n’a pas un proche incarcéré, la prison n’intéresse personne, on n’en parle pas. Et moi, je ne m’y intéressais pas non plus. D’ailleurs, vous pouvez remarquer que les établissements pénitentiaires sont souvent à l’extérieur des villes ; on ne les voit pas.

Qu’est-ce que le ministère d’aumônier a changé dans votre vie ?

Être aumônier m’a amené à modifier le regard que j’ai de l’autre, à l’accepter tel qu’il est, à le regarder sans le juger. Pas toujours facile. Nous sommes empêtrés dans nos a priori, souvent prompts à juger. Il faut laisser tout ça de côté. Et puis, l’aumônier doit relever un défi : «Comment dire Dieu aujourd’hui à quelqu’un qui n’en a rien à faire, qui n’en attend rien ?» Ou peut-être même qui en veut à Dieu de n’avoir rien fait pour lui avant d’en arriver là ! Cela m’interroge aussi sur mon propre regard ; quel est le Dieu que j’annonce ?

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Aumônier Armée du Salut prison spiritualité
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 «J’aime Dieu, mais comment savoir si mon amour pour Dieu grandit ?»

Comment être aumônier en prison ?

Mes premiers contacts ont été pris à la Maison d’Arrêt de Fresnes en banlieue parisienne. Là, j’ai découvert ce qu’est la vie en détention. Bien entendu, cela a chamboulé ma théologie. L’Amour de Dieu est-il inconditionnel ? Y a-t-il des limites au pardon ? Quel regard porte-t-on sur les personnes qui ont commis des actes horribles comme l’inceste, le viol, des actes de barbarie ? En prison, l’aumônier n’a aucun pouvoir, il vient les mains vides ; la seule chose qu’il peut, c’est «être». «Être avec» ; et cela j’ai dû l’apprendre. Et cela change la relation à l’autre.

Peut-on parler de l’amour de Dieu en prison ? 

Lors d’un culte, ma prédication portait sur l’Amour de Dieu. Un détenu me coupe la parole : «J’aime Dieu, mais comment savoir si mon amour pour Dieu grandit ?» J’étais pris au dépourvu, ne sachant trop quoi répondre. Un autre détenu l’a fait à ma place : «Tu sauras que ton amour pour Dieu grandit quand ton amour pour les autres grandira ! » Quelle belle leçon  ! Vingt ans après, ces paroles résonnent toujours aussi fort en moi.

Qu’est-ce qui a été le plus important pour vous dans cette mission qui vous a été confiée ? 

J’ai vraiment pris conscience que Dieu m’accordait une grâce particulière pour répondre à ce ministère auquel rien ne me prédestinait. Une grâce qui m’a transformé. C’est le Seigneur qui agit. Le travail du Seigneur ne m’appartient pas. Il suffit parfois d’une parole pour que des vies changent. Aujourd’hui, Jean-Paul conserve des liens avec quelques anciens détenus qui participent parfois à des études bibliques qu’il anime, d’autres lui écrivent. Il a même été témoin au mariage de l’un d’entre eux ! 

Propos recueillis par Cécile Clément