"Il faut du temps et de la constance pour arriver à un véritable échange"
Le colonel Alain Duchêne, ancien Chef de Territoire France-Belgique, aujourd’hui à la retraite, est bénévole à la Fondation de l’Armée du Salut. Il lui a été confié la responsabilité de coordinateur des bénévoles pour visiter les seniors en Île-de-France.
En quoi consiste votre mission de « coordinateur des seniors bénévoles » ?
Colonel Alain Duchêne : Il s’agit de coordonner l’action des bénévoles qui vont rencontrer une soixantaine de personnes âgées, principalement à leur domicile. Ces personnes connaissent des difficultés de santé, de mobilité… L’action des bénévoles consiste à faire des visites de courtoisie (conversation, lecture, promenade, consultation chez le médecin…). Ce n’est pas toujours facile pour un bénévole d’entrer dans cette mission. Il faut du temps – c’est pour cela que nous demandons un an d’engagement – pour que le bénévole et la personne visitée s’apprivoisent. Parfois, cela ne fonctionne pas. Il y a des résistances de part et d’autre. Il faut alors trouver une autre personne qui accepte la mission. L’action de coordination se fait en lien étroit avec la Croix-Rouge Française et La Maison des Aidants. Ces structures connaissent bien les personnes visitées. Nous pouvons alors, dans un partage d’expérience, trouver des solutions adaptées à la spécificité et à la problématique de chaque personne. Une fois par trimestre, je téléphone aux personnes visitées pour prendre de leurs nouvelles. Je peux ainsi entendre la manière dont elles vivent cette expérience de visite et la confronter aux rapports faits par les bénévoles.
Pourquoi la visite aux personnes âgées est-elle importante pour vous ?
Colonel Alain Duchêne : Pour moi, c’est essentiel, car à partir du moment où la relation s’installe, la personne devient « sujet » et le dialogue peut s’ouvrir. Cette action est en pleine cohérence avec les cinq valeurs fondamentales de la Fondation (inconditionnalité, exigence, fraternité, participation, espérance). Rendre visite aux personnes âgées, c’est les amener à s’ouvrir vers l’extérieur, vers un « ailleurs ». C’est important de pouvoir les sortir de l’isolement et de leur problématique de santé. Le bénévole doit essayer d’aller au-delà de la personnalité de la personne âgée. Cela demande de l’endurance : il faut prendre du temps pour qu’il y ait un véritable échange.
Avoir de la visite, c’est montrer aux autres que quelqu’un s’intéresse à vous,
que l’on a une famille
Les visites en EHPAD sont-elles différentes des visites faites à domicile ?
Colonel Alain Duchêne : Certaines personnes, avant d’être en EHPAD, refusaient toute visite à domicile. Une fois accueillies dans l’établissement, elles sont en demande. C’est vraiment paradoxal. Sans doute est-ce dû au fait de l’importance du regard des autres. En EHPAD, avoir de la visite, c’est montrer aux autres que quelqu’un s’intéresse à vous, que l’on a une famille.
Quel a été l’impact du Covid-19 sur la visite aux personnes âgées ?
Colonel Alain Duchêne : En EHPAD, du fait de l’impossibilité des visites, cela a été très difficile pour les personnes âgées. Beaucoup se sont senties abandonnées. À domicile, cela a été plus facile, car le contact était maintenu avec, évidemment, une grande vigilance sur le maintien des gestes barrières. Ces visites aux personnes âgées sont d’autant plus importantes en cette période de pandémie alors qu’elles sont confrontées plus que jamais à la solitude.
Propos recueillis par Pierre-Baptiste Cordier Simonneau