Quand les salariés d’un centre d’accueil se confinent avec les résidents
Dès les premiers jours du confinement, l’Armée du Salut a ouvert au Havre un nouveau centre d’accueil destiné à mettre à l’abri des familles sans domicile. Afin de les protéger du covid-19, les équipes sociales ont volontairement pris la décision de se confiner avec les résidents, pour éviter qu’ils ne soient contaminés. Une aventure humaine inédite que nous vous proposons de découvrir.
Une bouée de sauvetage
Les dessins à la craie sur le sol à l’extérieur, les voix d’enfants, le match de football, la chasse aux œufs témoignent de la présence de familles dans ce Centre régional jeunesse et sport (CRJS) du Havre. Toutes ont mises à l’abri le 20 mars 2020 à 18 heures dès les premières heures du confinement. « Le nombre de personnes accueillies sur toute la période de confinement a été fluctuant, mais l’occupation maximum a été de 40 personnes », explique Florence, responsable de ce « centre Covid » ouvert pour les personnes sans domicile et directrice du Phare, le centre d’hébergement de la Fondation de l’Armée du Salut au Havre.
La mise à disposition de ce site d’une superficie de 2 500m2 habituellement réservé aux activités sportives a été accueillie comme une bouée de sauvetage par les personnes sans-abris face à la vague covid-19 qui menaçait de déferler sur toute la France au moment du confinement, mi-mars.
Des personnes à la rue, des familles vivant dans des campements ou squats, voire des jeunes de moins de 25 ans sans famille ni toit ont trouvé refuge dans centre sportif. « Nous avons constaté un nombre important de personnes en attente de leur titre de séjour, mais aussi beaucoup de jeunes venant de l’Aide sociale à l’enfance et des personnes semblant présenter des pathologies psychiatriques», constate Charlotte, une des 5 salariée.
Les salariés de la structure se confinent avec les résidents
Mais ce qui a rendu ce centre si particulier, c’est la décision prise spontanément par les salariés de la structure de se confiner avec les résidents, afin de mieux les protéger.
Pendant plus de deux mois, les équipes sociales de la Fondation de l’Armée du Salut se sont succédées tous les 15 jours, pour assurer l’accompagnement des personnes confinées dans le centre. « Le personnel changeait tous les 15 jours, excepté un salarié de nuit qui était resté un mois. A chaque roulement, les salariés entrant dans le complexe s’étaient confinés chez eux pendant 15 jours et leur température était contrôlée régulièrement », explique Christopher, éducateur à l’accueil de jour de la Fondation de l’Armée du Salut, au Havre.
Le dispositif s’est construit autour d’une infirmière pour accompagner les résidents et épauler les salariés, deux éducateurs, un animateur de nuit, un veilleur pour les locaux.
Aucune des personnes accueillies n’a été diagnostiquée positive au Covid
Chambres individuelles pour les résidents seuls. Collectives pour les familles. Pour les repas, les tables ont été séparées « pour que chacun soit seul à une table, sauf les familles ». L’équipe du centre restait en contact au quotidien avec l’équipe médicale du Phare et la prise de température s’effectuait quotidiennement, matin et soir. Et preuve que le système mis en place a fonctionné : aucune des personnes accueillies n’a été diagnostiquée positive au Covid.
« Les personnes accueillies se sont montrées, en général, particulièrement respectueuses du cadre posé. Nous avons dans un premier temps fermé les espaces communs. Lorsque les périodes d’incubation ont été terminées, l’accès aux espaces communs a été assoupli », relate l’équipe encadrante.
Le jour de l’ouverture du centre, il restait encore dans les rues désertes du Havre de nombreuses personnes à la rue. Certaines ont donc été orientées ultérieurement vers le « centre Covid ». « Les personnes accueillies après le 20 mars devaient systématiquement respecter un confinement strict de 14 jours dans leur chambre », indique Charlotte.
Des solutions d'hébergement trouvées pour les sans-abris
Vivre 24h/24, 7j/7 aux côtés des personnes précaires et en difficulté a été une expérience inédite pour les professionnels du social. Habitués à entrer en relation avec les hommes et les femmes vivant à la rue, ces salariés travaillaient auparavant pour la maraude et l’accueil de jour de la Fondation de l’Armée du Salut au Havre. « Nous accompagnons en général des personnes souffrant d’addictions ou de troubles psychiques, de déficiences, des personnes qui sortent de prison. Et le dénominateur commun est : l’absence d’hébergement », détaille l’équipe des professionnels sociaux. « Le fait d’être présent tous les jours et d’offrir une écoute en continu s’est avéré particulièrement rassurant pour les résidents et a été bénéfique pour trouver des solutions à des situations problématiques », constate Christopher.
Avant même la fermeture du « centre Covid » plusieurs personnes ainsi que des familles ont été orientées vers des centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) de la région ou vers des dispositifs d’hébergement d’urgence existant. Au moment du déconfinement, « certaines personnes seront orientées dans l’hôtel « Les Gens de mer » situé dans le centre-ville du Havre », indique Florence, cheffe de service en charge des actions d’aide d’urgence.
Cette aventure s’est achevée le 31 mai. Une aventure collective qui a duré plus de deux mois et qui a été en grande partie la somme incalculable d’aventures individuelles.
Mayore LILA DAMJI
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