Grande Débat National : quand les personnes exclues prennent la parole
Elles sont sans emploi, hébergées dans un centre d’accueil, ou à la rue. Elles sont âgées, isolées, dépendantes. Elles sont mineures et accueillies par la Fondation de l’Armée du Salut. Elles ont saisi le Grand Débat National pour faire porter leurs revendications et partager leurs propositions pour améliorer la société dans laquelle elles vivent.
Le Grand Débat national a été l’occasion pour les résident-e-s des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), pour les personnes accueillies et accompagnées dans les centres d’accueil de jour ou des centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) de la Fondation de l’Armée du Salut de faire remonter leur constats et propositions et surtout de faire entendre leurs voix.
Un stage de pauvreté pour les élus, travailleurs sociaux et directeurs d'établissements
Les Brigitte, les Guy, les Daniel, les Marie, les Marco, les Aldo ont vécu à la rue pendant 2 ans, 3 ans, voire 5 ans, sans argent, sans manger parfois. Et aujourd’hui, ils ont réussi à s’en sortir et sont devenus des « experts » en précarité. Le 11 mars 2019 au Conseil économique, social et environnemental (CESE), ils ont proposé à travers le Conseil national des personnes accompagnées et accueillies (CNPA) qui représente l’ensemble des personnes en précarité, ils ont porté la voix des personnes en précarité et ont proposé de mettre en place un stage de pauvreté. « Pour quelques jours, les élus, travailleurs sociaux, ainsi que les directeurs d’établissements devront se mettre dans la peau des personnes sans abri. Objectif : comprendre la réalité des personnes à la rue », explique Guy, qui a vécu à la rue pendant deux ans. Aujourd’hui, il vit dans son logement à Macôn.
« Mettre en place un RSA jeune à partir de 18 ans »
La jeunesse a eu son mot à dire pendant le Grand Débat national au sein de la Fondation de l’Armée du Salut. Les jeunes filles accueillies au Foyer Marie-Pascale Péan à Mulhouse ont rappelé qu’aujourd’hui « les jeunes de 16 à 18 ans se sentent démunis : à 18 ans ils n’ont pas d’emploi, ils n’ont pas de ressources car ils ne peuvent pas toucher le RSA avant 25 ans. Ils vivent le chômage avant d’avoir travaillé ». Invitées au Conseil économique, social et environnemental (CESE), le 11 mars, certaines sont montées à la tribune pour exposer un des principaux motifs de revendication : « mettre en place un RSA jeune à partir de 18 ans pour les jeunes sans solution ».
Pouvoir faire des « démarches administratives avec des personnes »
Entre le 5 et 26 février, 20 résidents de la Maison de retraite protestante de Nantes se sont mobilisés pour participer à ce débat. Ils ont pris la parole pour évoquer leurs conditions de vie, leurs difficultés, et leur place dans la société. Sur la question de « l’organisation de l’Etat et des services publics », les résidents de l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ont exprimé leurs « difficultés de se déplacer pour les démarches administratives ». Directement concernés par la dématérialisation des services publics, ils « ont réclamé de pouvoir les faire à domicile mais pas par internet, avec des personnes ».
8,8 millions de personnes vivent en France en dessous du seuil de pauvreté. Selon vous, quelles sont les mesures prioritaires à prendre rapidement pour réduire efficacement la pauvreté ? En partant de ce constat, quelques résidents de la Résidence William Booth, centre d’hébergement et de réinsertion sociale, de la Fondation de l’Armée à Marseille, ont apporté les réponses suivantes : « Régulariser des sans-papiers et les intégrer dans le monde du travail afin qu’ils puissent contribuer eux aussi à l’économie du pays. Réduire le coût des loyers et des transports contribuerait à réduire la pauvreté. Enfin, créer plus d’emplois et éduquer, inciter, sensibiliser le peuple à travailler ».
Ils étaient plus de 15 personnes, sans abri pour la majorité, au sein de la Maison du Partage, accueil de jour de la Fondation de l’Armée du Salut à Paris, venus participer aux échanges dans le cadre du Grand Débat National. Leur principale demande portait sur le « titre de séjour ». « Sans le titre de séjour, nous n’avons pas de droit. Nous n’avons pas d’emploi, d’argent, de sécurité sociale. Nous n’avons pas une vie digne. Nous voyons la souffrance de la vie », rappelaient-ils en concert pendant l’échange. Parmi les participants certains venaient d’arriver en France et ont une demande d’asile en cours. En attendant, « nous n’avons pas de logement. Nous devons vivre à la rue » alors que le recensement des sans-abri réalisé lors de la «Nuit de la solidarité» montre que le nombre de personnes dormant dehors a augmenté de plus de 600 en un an.
Le portrait social de la France que dressaient les personnes isolées et exclues était extrêmement sombre, mais les regards et les constats pendant les consultations ont offert un foisonnement de propositions et d’idées pour une société juste.