« Le but d’une retraite de rue est de s’ouvrir à l’inconnu et à sa propre vulnérabilité »
Emmanuel Ollivier, directeur d’un centre d’hébergement d’urgence parisien de l’Armée du Salut, organise, en 2004, la première retraite de rue en France. Inspirées de l’Américain Bernie Glassman, penseur spirituel bouddhiste, les retraites de rue font partie d’une « démarche pour se connaître et découvre les autres ». Selon Emmanuel Ollivier, « le but d’une retraite est de s’ouvrir à l’inconnu et à sa propre vulnérabilité, de témoigner et d’agir ». Nous l’avons interrogé pour qu’il nous en explique le principe et le sens.
En quoi consiste une retraite de rue ?
Emmanuel Ollivier : La retraite de rue consiste à vivre pendant 4 ou 5 jours dans la rue. Les participants viennent avec les vêtements qu’ils portent, une couverture et une pièce d’identité. Il y a trois temps : avant, pendant et après. Pour participer, il faut parler de son projet à ses proches. Nous devons récolter 250 euros pour s’ouvrir à nos proches en expliquant notre choix et notre motivation. C’est le début de la fragilité car demander de l’argent n’est jamais simple et souvent il y a de vives réactions concernant le projet. Pendant la retraite, il faut chercher à manger, un lieu où dormir… mais la démarche étant éprouvante, nous faisons aussi des cercles de parole et d’écoute. Parfois, il y a des moments de solitude pour réfléchir sur le sens de l’expérience, à l’issue de laquelle nous nous posons la question suivante : « et maintenant ? ». Nous devons témoigner de ce que nous avons vu. Ce n’est pas facile de retourner à une vie normale et surtout nous avons souvent envie d’agir pour changer les choses mais ce n’est pas toujours possible. La première action est de choisir ensemble à quelle association iront les 250 euros collectés par chaque participant.
Quel est le but de cette action ?
E.O : Le but des retraites de rue est de comprendre, de voir et de témoigner. La démarche est personnelle mais les participants cherchent pour la plupart à se défaire de leurs identités et étiquettes le temps de l’expérience. Nous nous rendons compte qu’il y a dans la rue de la solidarité, des valeurs humaines, des rencontres mais surtout que nous avons les capacités pour vivre la situation. La démarche a une dimension spirituelle. Il faut accepter de devenir vulnérable car plus nous luttons, plus l’expérience est difficile. De plus, pour agir et travailler avec les personnes sans-abris, il faut comprendre leur contexte de vie à la rue et les retraites sont un bon moyen d’y parvenir.
Qu’est-ce qui vous a motivé à mettre en place les retraites de rue ?
E.O : Je travaille dans le social, j’ai des engagements associatifs et j’ai des questionnements spirituels sur l’éthique notamment. La question est : comment j’arrive à être moi-même dans toutes les dimensions de ma vie ? Faire un plongeon et avoir un ressenti social permettent de connecter les choses. Dans les années 2000, j’avais les retraites de rue, le travail social, l’Armée du Salut et ma vie privée mais je voulais lier ces différents aspects de ma vie. Aujourd’hui les retraites de rue sont plus présentes. Les gens m’appellent pour y participer ou pour faire des reportages. Les choses évoluent. Mais au départ c’est une démarche personnelle car je voulais être moi-même dans le cadre professionnel.
Pour en savoir plus sur les retraites de rue : Mindfulness Solidaire