A Montreuil, une « Passerelle » pour lutter contre les nouvelles formes de précarité

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La crise sanitaire de 2020 a exacerbé les inégalités sociales et a fait émerger de nouvelles situations de précarité. A Montreuil, la Fondation de l'Armée du Salut et Action Contre la Faim sont allés à la rencontre des personnes spécifiquement impactées par la crise afin de leur proposer un soutien. 

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A Montreuil, une « Passerelle » pour lutter contre les nouvelles formes de précarité.
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« Je suis seule, sans emploi avec quatre enfants à charge à la maison », se confie Mme Mansouri (le nom a été modifié) à une bénévole d’une voix timide. « Régulièrement, il m’arrive de ne pas manger et de me priver pour le bien être de mes enfants ». Derrière son visage masqué, on peut déceler la fatigue de cette femme, venue répondre aux enquêtes de suivi du projet Passerelle.

Elle fait partie des 200 ménages identifiés dans la ville de Montreuil pour bénéficier d’une aide financière durant 4 mois à hauteur de 63 euros par mois et par personne (Aide revalorisée à 65€ par mois pour suivre l’inflation des denrées alimentaires) ainsi qu’une orientation sociale individualisée. Financée par le plan France Relance et une partie de collecte de fonds, cette nouvelle initiative pilote appelée « Passerelle », portée par la Fondation de l’Armée du Salut, Action contre la Faim et en collaboration avec la ville de Montreuil, a pour objectif de proposer un pont vers une aide alimentaire et un accompagnement social.

Le transfert monétaire pour plus d’autonomie

La crise sanitaire de 2020 a exacerbé les inégalités sociales et a fait émerger de nouvelles situations de précarité. Le département de la Seine-Saint-Denis a été particulièrement touché par ces bouleversements. A Montreuil, entre autres, 15 % de la population a eu recours à une aide alimentaire pendant la pandémie. En lien avec le tissu associatif montreuillois, Action contre la Faim et la Fondation de l’Armée du Salut sont allés à la rencontre des personnes spécifiquement impactées par la crise afin de leur proposer un soutien financier et une orientation sociale individualisée, via un accompagnement relais, des informations sur leurs droits et propositions d’orientations sociales.
 

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« La genèse du projet émane de nos observations faites pendant le confinement sur le terrain :  suite à la crise sanitaire, 27% des ménages accompagnés dans le cadre du projet ont subi au moins une perte d’emploi, et 35% ont connu une baisse de revenu », précise Jérémy Barthez, responsable de service d’aide alimentaire pour la Fondation de l’Armée du Salut.

« On accompagne des personnes qui sont dans des situations d’insuffisance alimentaire, dans des situations de privation, préférant donner plus à manger à leur enfant avant de combler leurs propres besoins. Pour autant ce sont à 90% des personnes qui ne sont pas des bénéficiaires réguliers de l’aide alimentaire associative », explique Massimo Hulot, responsable de projet Passerelle pour Action contre la Faim.

Par le biais des transferts monétaires, le projet Passerelle répond à des problématiques qui vont au-delà de la précarité alimentaire comme l’accès aux soins, à l’emploi ou aux recouvrements de dettes. Ce dispositif a été pensé pour répondre au plus près des besoins des personnes, en les rendant acteurs.trices et autonomes de leurs dépenses, c’est-à-dire en leur permettant de choisir eux-mêmes quelles sont leurs dépenses prioritaires alimentaires et/ou non alimentaires  (factures d’électricité,  hygiène, santé, scolarité etc…).

Pour être le plus efficace possible, l’approche des transferts monétaires est couplée à un travail d’orientation sociale individualisée afin de favoriser une meilleure couverture des droits et un raccrochage des personnes vers les services sociaux et les dispositifs de droit commun, plus généralement.

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Vers l’accompagnement social 
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Vers l’accompagnement social 

« Une part significative des personnes que nous suivons sont inconnues ou peu connues des radars sociaux institutionnels », explique Massimo Hulot. « Pour la majorité, elles ne savent pas ou plus, quelle porte pousser pour avoir accès à leurs droits, ou à un emploi. Le cœur du projet, est de pouvoir créer un échange, une rencontre et renouer les liens qui ont été rompus ou pas entamés avec les services sociaux ».

Le travail d’orientation individualisée du projet permet d’atténuer cette rupture en adoptant une vraie démarche dite d’« aller-vers », en rencontrant les personnes au sein des centres sociaux, au plus proche de leurs domiciles. L’objectif premier du projet Passerelle est de remettre les gens en confiance et de proposer un contact humain dans un contexte où les services sociaux souffrent d’une forte défiance après des mois de confinement et une dématérialisation des procédures à marche forcée. Un suivi sur mesure a été mené permettant d’orienter les personnes vers les acteurs et dispositifs sociaux adéquats.

« Parmi les gens que nous accompagnons, le non recours aux principales prestations sociales est limité. Les personnes en difficultés bénéficient largement du RSA et de la CAF, par exemple. Mais à l’intérieur et autour de ces allocations, se cache un millefeuille de prestations, inconnues des personnes, et qui manque de visibilité auprès de nos bénéficiaires et ce alors qu’il existe aujourd’hui une véritable fracture numérique entravant la compréhension et l’accessibilité de ces droits », évoque Massimo Hulot.
 

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Des premiers résultats concluants

A mi-parcours du projet, les familles ayant déjà reçues l’aide déclarent une amélioration de leur situation alimentaire, en quantité, en qualité et en diversité. Elles témoignent aussi d’une amélioration importante de leurs conditions économiques et psychologiques depuis leur entrée dans le dispositif Passerelle.

« On va à Aldi, à Lidl, je vois les promotions, des fois je vois les étiquettes y'a un 30% faut les consommer trois jours après, voilà. Je prends les promotions. Les pâtes, on mange beaucoup de pâtes. Je mange des conserves aussi, des fois congelées. La viande on mange parfois. On l'achète à la boucherie, mais pas trop...Juste de temps en temps les biftecks, les petites entrecôtes. C’est pas souvent, mais là avec l'aide d'Action Contre la Faim ça, j'ai fait plaisir à mes enfants. A la boucherie j'ai pu leur acheter vraiment la viande qu'ils voulaient », témoigne une personne bénéficiaire du projet.

Au-delà des questions alimentaires, Passerelle a également permis à trois mères de familles de bénéficier du dispositif premières heures d’Emmaüs leur proposant une réinsertion professionnelle progressive. « Plus de la moitié des ménages (54%) que nous accompagnons n’ont pas de personnes en emploi, même informel. En général, les mères sont très éloignées de l’emploi car elles rencontrent des problèmes de garde d’enfant ou parce qu’elles n’ont jamais travaillé en France et ont une certaine appréhension », complète Jérémy Barthez. 

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Par ailleurs, le transfert monétaire a permis de régler des situations d’endettement des familles et de retirer cette épée de Damoclès qui pesait sur leur quotidien.  

« Le premier mois, j'ai payé les factures de la cantine pour les enfants c'est ça qui était le plus important. Ça faisait depuis un bout de temps. Ça faisait depuis 2020. C’était très important parce que j’étais un petit peu bloqué dans tout ça. Après j'avais acheté des couches à mon fils et tout ça, ses petits pots, du lait Galia…la boite et tout ça j'ai acheté plein de choses pour lui », témoigne une personne bénéficiaire du projet Passerelle.

Avec la hausse des prix alimentaires en France dû aux conséquences de la guerre en Ukraine, la précarité alimentaire est plus que d’actualité. Le gouvernement actuel souhaite la création de chèque alimentaire « plus qualitatif pour accéder à des produits bios, frais et locaux » pour venir en aide aux personnes les plus vulnérables en répondant à un ambitieux double objectif social et environnemental.

« Si on veut que les personnes sortent durablement de cette situation de précarité alimentaire, l’ambition est de sortir des modalités d’aides financières ponctuelles et restrictives  comme les chèques services ou d’aides matérielles qui ont leur limite et ne permettent pas de répondre aux besoins structurels des personnes Pour nous, il faut résolument choisir des modalités d’aide qui donnent une capacité de choix aux personnes, recréer du lien avec les acteurs qui peuvent les accompagner vers des solutions pérennes et donner à ces acteurs les moyens de le faire», explique Hélène Queau, responsable de la Mission France pour Action contre la Faim.

Pour les deux associations, l'objectif sera de réaliser à l'automne un bilan définitif de l'expérimentation, d'en améliorer si besoin les modalités et de trouver des soutiens pour la déployer plus largement.

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