Crise sanitaire et inflation : l’Armée du Salut fait face à une nouvelle précarité

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Entre les soubresauts incessants de l’épidémie et une inflation historique, les épiceries sociales et les centres de distribution alimentaire de l’Armée du Salut en France ne désemplissent pas. De plus en plus sollicités, ces dispositifs voient arriver aujourd’hui un nouveau public. Reportage.

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Crise sanitaire et inflation : l’Armée du Salut fait face à une nouvelle précarité
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La nuit tombe sur Paris. Monique*, 62 ans et retraitée, attend avec un groupe d’amies devant le 70 Boulevard Barbès. « Je viens aux soupes de nuit de l’Armée du Salut depuis décembre 2022. Avec l’inflation, ma facture d’énergie a augmenté. J’ai une petite retraite. Pour économiser un repas, je viens chercher mon dîner à l’Armée du Salut », explique-t-elle avant de récupérer son repas du soir qu’elle consommera chez elle. 

Dans la file d’attente, on trouve des retraités, des actifs, des mères isolées, des personnes malades. Sans l’aide alimentaire elles n’arriveraient pas à s’en sortir. 

350 personnes aux soupes de nuit de l’Armée du Salut

Accompagnée par sa fille de 7 ans et son fils de 9, une mère de 43 ans arrive comme tous les soirs au « drive » des soupes et prend deux plateaux repas et plusieurs petits pains « pour le petits-déjeuners ». « Je suis accompagnante des élèves en situation de handicap (AESH) dans une école. Je gagne 900 euros par mois et j’ai un loyer de 600 – 300 après les APL. La facture d’électricité a augmenté. En plus, j’élève seule mes enfants. Je ne m’en sors plus ». Ce soir-là, 350 personnes sont venues prendre un repas aux soupes de nuit de l’Armée du Salut. 

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« 41 % des Français étaient déjà en difficulté au moment de payer leur énergie domestique ». 
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En septembre 2022, le Secours populaire français indiquait dans son baromètre annuel que « 41 % des Français étaient déjà en difficulté au moment de payer leur énergie domestique ». 

« Sans l’épicerie sociale, je serai morte. L’Armée du Salut m’a donnée à manger dès mon premier jour ici »

C’est justement en septembre que Brigitte* a poussé la première fois la porte de l’épicerie sociale de l’Armée du Salut à Paris. A 65 ans, elle rencontre de sérieuses difficultés à payer son loyer et ses factures d’énergie et surtout à se nourrir. « Quand je suis arrivée à l’épicerie sociale, je n’avais pas mangé depuis 4 jours ! ». Elle a arrêté de travailler en 1989 quand elle a dû s’occuper de son fils handicapé. « Je n’ai pas assez cotisé et je suis veuve. Je touche la retraite de mon mari mais c’est insuffisant. Je crains une hausse des tarifs de l’énergie dès le 1er février : si l’électricité et le gaz augmentent de 15% par mois, avec le loyer je devrai payer 600 euros par mois alors que mes revenus sont de 512 euros », s’inquiète cette ancienne agente de cantine scolaire. 

Brigitte, elle, vient deux fois par mois à l’épicerie sociale. Chaque fois elle fait le plein pour 6,20€ (dans une épicerie sociale le prix des produits est compris entre 10% à 30% de leur valeur marchande). « Sans l’épicerie sociale, je serai morte. L’Armée du Salut m’a donnée à manger dès mon premier jour ici ». 

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7 millions de personnes en France ont recours à l'aide alimentaire

L’épicerie sociale de l’Armée du Salut à Paris a aidé en 2021 « 190 familles soit 523 personnes et nous avons distribué 8 tonnes de marchandises, essentiellement des fruits et légumes et des produits alimentaires », précise Caroline Penard, responsable de l’épicerie sociale.

Christophe, 48 ans, est bénévole au foodtruck de l’Armée du Salut à Lyon. « Chaque soir, nous distribuons 200 repas aux personnes précaires. Depuis le début de l’année 2023, je remarque que de plus en plus de familles sollicitent l’aide alimentaire de l’Armée du Salut. Ce sont des personnes qui ont un logement mais, vers le 15 du mois, elles rencontrent de sérieuses difficultés à payer un repas », observe-t-il.

A Strasbourg, le responsable de la paroisse de l’Armée du Salut, le Capitaine Matthieu Bösiger, établit un constat intéressant : « dans mes précédentes expériences à Dunkerque et Nîmes, j’ai observé que même en travaillant quelques heures par semaines des personnes perdaient beaucoup de droits (le RSA réduit drastiquement, fin des tarifs préférentiels par exemple) et elles se retrouvaient donc dans une difficulté encore plus grande qu’avant ». 

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Dans son étude sur le profil sociodémographique des personnes accueillies à l’aide alimentaire, le réseau des Banques Alimentaires révèle que le recours à l’aide alimentaire touche désormais de nouveaux profils : 17% des personnes accueillies sont à la retraite et 17% d’entre elles ont un emploi (dont  60% à temps partiel). Découvrir l'étude ici : Etudes Profils 2023 : Qui sont les personnes accueillies à l'aide alimentaire ?

En France, 9,3 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté, soit 14,7% de la population française selon une étude de l’INSEE de 2019 et l’aide alimentaire concerne 7 millions de personnes. 

*Le prénom a été modifié

Mayore LILA DAMJI
 

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Actualité