Partager ses cuisines pour une meilleure alimentation des familles en hôtel social
Comment avoir une alimentation saine quand on vit dans une chambre d’un hôtel social ? Aux problèmes de logement, s'ajoutent fatalement les difficultés à bien se nourrir. La Fondation de l’Armée du Salut a ouvert les cuisines du Palais de la Femme, à Paris, à ces familles pour qu'elles puissent cuisiner leurs propres repas. Plongée dans une cuisine pas comme les autres.
Mercredi, 13h30. Un groupe de femmes prennent leur quartier dans les cuisines collectives du Palais de la Femme, situé dans le 11ème arrondissement de Paris. Les cuisines entrent en ébullition. Aux fourneaux, des femmes, essentiellement. Elles ne vivent pas au Palais de la Femme, qui accueille 440 personnes, mais elles viennent des hôtels sociaux, où elles partagent une chambre de 10m2 avec leurs enfants et parfois leurs conjoints. Sans kitchenette, sans frigo et sans micro-onde. C’est le cas de Meriem.
A 31 ans, cette mère de trois enfants en bas âge, vit à l’hôtel social. Elle a été la cheville ouvrière du projet « Palais en partage », lancé en 2019, au Palais de la Femme. Avec ce projet « Nous voulons offrir un accès à des cuisines partagées aux personnes accueillies en urgence dans des chambres d'hôtel où il est interdit de cuisiner, pour qu'elles puissent préparer elles-mêmes leurs repas en toute sécurité et salubrité. Avec un double objectif : lutter contre l'isolement et contre la précarité alimentaire ». Aujourd’hui, elle est bénévole au sein des cuisines partagées.
« Pour moi c'est une nouvelle vie »
Les personnes hébergées à l'hôtel n'ont pas de cuisine, parfois pas de réfrigérateur et le seul micro-ondes disponible est à la réception. Aux problèmes de logement, s'ajoutent ainsi les difficultés à bien se nourrir.
« Pour moi c'est une nouvelle vie. Toutes les semaines, je prends mes marmites pour aller à la cuisine du Palais de la Femme. A chaque fois que je viens, je suis heureuse, je ne veux jamais être absente », partage une dame habituée des cuisines partagées.
Aujourd’hui, plus de 50 personnes, femmes comme hommes, bénéficient des espaces des cuisines partagées. « Sur les 50 bénéficiaires, 41 personnes ont des enfants à charge », constate Dialika, Coordinatrice du projet des cuisines partagées. 21 000 enfants grandissent à l’hôtel social en Île-de-France, selon le Samusocial de Paris : #EnfanceSansDomicile
Ouvertes tous les mardis de 9h à midi et les mercredis et vendredis de 13h30 à 16 h30, ces cuisines se trouvent à moins de 10 minutes à pied des hôtels où vivent des familles, en attente d’un logement. Les familles bénéficient d'un créneau par semaine pour venir cuisiner plusieurs repas. « Nous leur remettons un kit de transport (glacière, pain de glace, boites de conservation) pour emporter leurs préparations dans leurs hôtels et tout le matériel de cuisine est disponible au Palais de la Femme», détaille Dialika.
Des bénévoles précieuses dans l'accompagnement des familles
L’équipe du Palais de la Femme est épaulée par des bénévoles qui interviennent pour aider les familles à faire leurs démarches administratives ou garder les enfants pendant que les mères cuisinent.
« J’aide les dames à lire une lettre de Pôle emploi, un jugement, à remplir des formulaires de l’administration française ou de la Caisse d’allocations familiales (CAF) par exemple. Car la majorité des femmes ne savent ni lire, ni écrire. Et si besoin nous gardons les enfants pour qu’elles puissent préparer les plats pour la semaine », explique, Isabelle ancienne employée de banque dans un service de surendettement et bénévole au sein de ce dispositif depuis septembre 2020.
Cuisiner, oui, mais cuisiner sain. Pour cela le Palais de la Femme a lié des partenariats avec des associations soucieuses d'articuler alimentation et protection de l'environnement : « Graine IDF propose des ateliers consommation éco-responsable, bonne pour le corps et pour l’environnement. Cook Trotteur anime des ateliers à base de récupération alimentaire et Toques en stock organise des ateliers consacrés sur le concept "cuisine-santé" afin que l'alimentation permette de conserver ou restaurer l'état de santé des femmes vivant dans les hôtels sociaux », détaille Dialika.
Les denrées alimentaires mis à disposition des bénéficiaires des cuisines partagées sont issues de cagnotte en ligne. Un partenariat avec la région Ile-de-France permet aujourd'hui d'avoir des fruits et légumes. Certains produits alimentaires sont également distribués par Linkee, qui approvisionne gratuitement les associations d'aide alimentaire avec les invendus des commerces à proximité. Et Le Chainon Manquant vient compléter la liste des partenaires. Cette association collecte les surplus des professionnels de l'alimentation puis les redistribue immédiatement aux acteurs sociaux.
Depuis le lancement du projet, en 2020, deux bénéficiaires ont trouvé un logement. « Nous sommes heureux d’être présents pour ces familles jusqu’à la « sortie », de les voir évoluer et de savoir qu’elles n’ont plus besoin de nous. C’est très satisfaisant", constate Dialika.
Une belle initiative qui n’aurait pas vu le jour sans le soutien des donateurs de la Fondation de l’Armée du Salut et que vous pouvez également soutenir financièrement pour en assurer la pérennité.
Priscilla MAGLIOCCO et Mayore LILA DAMJI