Urgence : femmes à la rue

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Alors que se termine l’hiver, deux chiffres illustrent à eux seuls à quel point il est absolument nécessaire de proposer des solutions d’accueil pour les femmes sans domicile. Le premier est que, entre 2006 et 2016, le nombre de femmes ayant appelé le 115 pour demander un hébergement d’urgence a augmenté de 66 %. Le second est que certains estiment que deux sans-abri sur cinq sont désormais des femmes. Une situation d’autant plus alarmante que nombre d’entre elles sont accompagnées d’enfants. Face à cela et en partenariat avec l’État, les associations créent de plus en plus de centres d’hébergement réservés aux femmes et aux familles. Mais cet effort est encore insuffisant, d’où la nécessité de créer également des lieux où ces femmes pourront au moins se reposer quelques heures.

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Urgence : femmes à la rue
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Les femmes précaires sont de plus en plus nombreuses à se retrouver sans autre choix que la rue après un parcours de vie parfois sans histoire. Certaines ont plus de cinquante ans et avaient un métier, une famille, un appartement. D’autres ont vécu l’exil, un divorce difficile, des violences conjugales, une maladie invalidante, une expulsion ou un chômage prolongé. Les causes de leur misère sont aussi terribles que la situation dans laquelle elles se trouvent. Les solutions d’hébergement font défaut ou ne sont parfois pas adaptées à leurs situations et les associations manquent de ressources financières. Mais elles se mobilisent pour réserver à ces femmes en détresse l’accueil le plus particulier possible.

Intimité et sécurité 

Réservée aux femmes vivant à la rue, cette halte parisienne dans laquelle nous entrons vient d’ouvrir il y a quelques semaines. Ici, pas d’hébergement possible, mais un accès à un repas, une douche, des machines à laver, des soins, ainsi que la possibilité de se reposer en sécurité. Tout ce qui est absolument nécessaire pour survivre à l’horreur de la rue. C’est également une première étape pour en sortir, grâce à la rencontre de travailleurs sociaux et avec peut-être, à la clé, l’espoir d’une solution d’hébergement temporaire. La structure a été conçue pour que toutes les femmes sans abri puissent venir, même avec un animal de compagnie, accéder à ces services de base et rencontrer une psychologue ou une sage-femme. 

« L’intimité est un sujet sans doute plus sensible pour elles que pour les hommes ; il faut entendre ce besoin de rester propre, et digne, même quand on vit dans la plus grande précarité », souligne Natacha, bénévole à l’accueil. Ici, elles retrouvent un peu de temps pour elles, se sentent en sécurité, et peuvent aussi avoir une écoute attentive à leur détresse. Surtout lorsqu’elles sont avec des enfants et qu’elles viennent de traverser une épreuve de la vie qui les a brisées, comme femme et comme mère. Naomi, 38 ans, est venue demander de l’aide : ses deux jeunes enfants ont dû être placés en famille d’accueil et elle voudrait les revoir plus souvent, maintenant qu’elle est totalement sevrée. Célia, elle, a une insoutenable rage de dents. Quant à Paula, amenée par les équipes de maraude, elle a tout simplement besoin de somnoler au calme après une nuit sans sommeil dans le hall d’une gare.

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Aider les femmes à reprendre le contrôle 

Celles d’entre elles qui trouveront une place d’accueil en centre d’hébergement arriveront par exemple dans ce centre d’accueil hivernal d’urgence lui aussi consacré exclusivement aux femmes et géré par une équipe de travailleurs sociaux. Un pleur d’enfant s’élève soudain, suivi d’un chant, étrangement paisible. C’est une comptine traditionnelle que reprennent en choeur d’autres voix de femmes. « C’est le propre des structures qui n’accueillent que des femmes, seules ou avec leurs enfants, explique Nathalie, travailleuse sociale ; elles créent très vite des conditions de vie chaleureuses, avec une forme de solidarité féminine immédiate. » Rosine est la maman du bébé qui vient de pleurer. Elle est arrivée ici au petit matin, chassée de la chambre de service qu’elle louait à un marchand de sommeil. Sans argent pour le loyer, sans bail, sans recours.

C’est le 115 qui l’a orientée, avec son petit Noé, transi de froid. Mélanie et Jeannine, ses voisines de chambre, l’ont spontanément aidée à son arrivée, tremblante de fièvre. La honte d’avoir été jetée hors de chez elle commence à se dissiper et la responsable du centre a déjà pu lui organiser un rendez-vous avec un médecin pour ses douleurs aiguës dans le bas du ventre. « Nous aidons les femmes à reprendre le contrôle de leur santé aussi, notamment sur le plan gynécologique. La précarité les éloigne des soins, parce que la priorité est de dormir à l’abri et de nourrir leur enfant, en le protégeant des dangers environnants. »

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Pour ne plus retourner à la rue

Mélanie, la première à lui avoir tendu la main, a connu la terreur du viol, dans un squat collectif où elle s’était réfugiée pour fuir un père maltraitant. Âgée de dix-huit ans, un enfant est né de ce drame, mais elle a appris à l’aimer, guidée par l’équipe éducative du centre qui prend soin d’elle depuis trois mois maintenant. « Je pensais que je ne serais jamais capable d’être une bonne mère, alors que j’avais pourtant terriblement envie de m’en sortir. Sans cet accueil et la solidarité des autres mamans, je ne sais pas si j’aurais pu me remettre de ce qui m’est arrivé. Retourner à la rue est ma pire angoisse. Je pleure encore souvent la nuit, mais en silence, pour ne pas réveiller ma fille. Je voudrais tant qu’elle ait une vie meilleure que la mienne. »

Anna, travailleuse sociale, l’a convaincue de s’inscrire à une formation de secrétaire médicale et de faire valoir ses droits à la caisse d’allocations familiales. Elle commence aussi à envisager de mettre son bébé à la crèche un jour par semaine, pour avoir le temps de faire ses démarches administratives. « C’est bizarre, mais j’ai commencé à aller mieux quand j’ai pu faire des lessives et préparer des purées à Luna, qui ne connaissait que les petits pots industriels qu’on me donnait parfois ou que j’allais chercher à l’épicerie sociale. En posant mon sac pour plus d’une nuit, j’ai compris que j’allais enfin pouvoir souffler un peu et me préparer à un autre épisode de vie, plus rassurant. »

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