1881-2021 : 140 ans de présence de l’Armée du Salut en France. Les premiers soutiens promis tardent
« Salle comble pas de trouble. Stop. Une attention merveilleuse, puissance, conviction. Stop. Gens avides d’entendre. Stop. Louange à Dieu. » En quelques mots télégraphiés à Londres, Catherine Booth minore la réalité de sa situation et de ses deux lieutenantes. Arrivées depuis la Grande-Bretagne à la gare du Nord le 28 février 1881, elles affichent l’indéfectible détermination de jeunes missionnaires pour « gagner le monde à Christ ».
La France est le premier pays non anglophone, de culture latine, à accueillir l’Armée du Salut. Affublées de leur étrange uniforme, possédant mal notre langue, Catherine (Kate) Booth - 22 ans ; Adélaïde Cox - 20 ans, et Florence Soper - 19 ans, vont se lancer dans l’aventure avec une foi invincible et un indomptable courage.
Pauvreté morale, alcool, violence,
l'est parisien est un environnement semblable à celui de l’East End à Londres
La capitale qu’elles découvrent est celle de l’est parisien : La Villette Belleville et Ménilmontant. Des quartiers populeux à dominante ouvrière, où la pauvreté matérielle est associée à la pauvreté morale, à l’alcool et à la violence. Un environnement semblable à celui de l’East End à Londres, terrain de manœuvre des pionniers salutistes.
Les soutiens promis tardent. Ce dimanche 13 mars, malade, F. Valès, le contact parisien et francophone des Booth est absent lors de la première réunion salutiste. Pendant près d’un an, il sollicitait William Booth pour venir travailler en France. Monsieur Valès devait guider les premiers pas de Kate sur le sol parisien, et surtout on comptait sur lui pour présider cette réunion populaire au 66 rue d’Angoulême.
Kate écrit : « J’ouvris une salle à la Villette, dans un vrai coupe-gorge à ce que nous disait un gardien de la paix. C’étaient chaque soir, gros mots, tumultes, blasphèmes ; je versai bien des larmes pendant six mois. » Au fond d’une impasse, un vaste atelier loué pour les réunions formait une salle de six cents places. Un auditoire peu rassurant les y attendait : hommes et femmes pâles, manifestement surmenés de travail, et décidés, le soir venu, à rigoler un brin.
La victoire était désormais acquise
Ici et là, des mines encore plus inquiétantes, quelques voyous. Six mois, durant lesquels les jeunes officières prièrent et prêchèrent, visitèrent et travaillèrent, et cependant aucune âme n’était sauvée. Mais le désordre croissant, Louis Andrieux, préfet de police, fit fermer la salle quelques jours. Enfin, un soir où la réunion s’annonçait encore mouvementée, Catherine obtint de pouvoir prendre la parole après avoir accepté que l’on puisse danser durant vingt minutes.
À l’issue de la réunion, l’ouvrier chahuteur avec qui elle passa cet accord resta assis dans son coin. De la discussion qui en suivit, Kate compris la révolte de cet homme contre Dieu. L‘invitant à la prière, c’est elle qui pria avec ferveur pour lui, et aussi pour elle, ou plutôt pour sa mission. Elle suppliait Dieu de sauver cet homme, et ce faisant de sauver son œuvre en France. Sa prière fut magnifiquement exaucée. L’ouvrier converti devint le plus fidèle appui de Catherine. Tout Belleville connaissait cet homme et tous savaient quel mécréant il avait été jusqu’alors. La victoire était désormais acquise.
Marc Muller
Sergent Major du poste de Paris
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