Quand minots et grands-parents font équipe
Derrière l’adage bien connu « on a souvent besoin d’un plus petit que soi » se cache l’idée essentielle selon laquelle chacun a beaucoup à apporter aux autres, peu importent son âge ou ses difficultés éventuelles. C’est ainsi que les maisons de retraite de l’Armée du Salut prennent soin d’ouvrir leurs portes à de très jeunes pensionnaires, pour que minots et grands-parents apprennent les uns des autres.
La transmission entre générations est une chance
L’expérience des maisons de retraite médicalisées montre que l’aide entre jeunes et anciens va dans les deux sens. Grâce aux enfants ou aux jeunes adultes, les seniors retrouvent la mémoire de leur propre jeunesse, et des gestes de la vie quotidienne. À l’inverse, dans les centres qui accueillent des adolescents en difficulté, l’apport des anciens est un facteur de stabilité, qui rappelle notamment l’importance du respect. Pour les jeunes en situation de rupture familiale, le contact de personnes âgées est souvent vécu comme un apaisement, et une reconnaissance de leur propre valeur, indépendamment de tout jugement social ou scolaire.
Faire les choses ensemble
L’Armée du Salut essaie de plus en plus, dans la mesure du possible, de mélanger les différents publics accueillis. Une maison de retraite médicalisée, qui résonne de temps en temps des clameurs joyeuses de l’enfance, sera toujours plus accueillante pour ses résidents. Yann Henocq, animateur d’une maison de retraite médicalisée de l’Armée du Salut à Chantilly, encourage les liens entre les écoles du voisinage et les 54 résidents, pour la plupart souffrant de maladies de type Alzheimer ou Parkinson. « Nous travaillons avec deux écoles du quartier, et des enfants scolarisés du CP au CM2. Nous définissons en amont, avec les maîtresses des thèmes qui bénéficieront autant à l’apprentissage des petits qu’à l’éveil et à la motricité des anciens. »
Il est aussi question de vivre ensemble, pour que chacun se souvienne que la vie collective passe par l’écoute des anciens et la transmission aux plus jeunes. La pédagogie est présente aussi dans les goûters que Yasmina Hocinou et Christiane Sarda organisent pour les résidents de la Sarrazinière, la maison de retraite de l’Armée du Salut à Saint-Étienne : « Confectionner un gâteau avec des enfants, quand on est en grande dépendance, est une manière merveilleuse de raviver une mémoire défaillante, tout en valorisant les talents culinaires des apprentis pâtissiers qui ont la fierté de progresser. »
Une bienveillance qui rassemble
Créer du lien est une affaire de bonne volonté, mais aussi de régularité. Laura Mougin, animatrice dans une autre résidence de l’Armée du Salut qui accueille 70 résidents à Waldighoffen, dans le Haut-Rhin, témoigne de l’importance de ces rendez-vous attendus par petits et grands : « Au moment où les rythmes scolaires ont changé, nous avons imaginé, avec la maison des assistantes maternelles, des rencontres régulières entre générations. Depuis, nous avons mis sur pied un atelier mensuel d’une matinée. Les assistantes maternelles encadrent des petits, âgés de quelques mois jusqu’à 3 ans, que nous accueillons ici pour mettre de la vie. Il faut voir les « encore bébés » aider les personnes dépendantes à coller les gommettes, presque instinctivement. Et comment, en retour, les personnes âgées retrouvent une patience infinie pour guider les petites mains. Certains parents, qui ont perdu leurs propres pères et mères, sont tout heureux que leurs enfants aient un contact proche de celui qu’ils auraient pu avoir avec des grands-parents. Tout le monde y gagne. »
Sur le plan du maintien des capacités cognitives, ces échanges intergénérationnels sont importants, poursuit Laura, qui évoque « une résidente d’ordinaire repliée sur elle-même qui s’est soudainement mise à donner à manger à la cuillère à un petit garçon, assis à ses côtés, qui n’arrivait pas à manger seul ». Des échanges et des liens touchants, mais surtout une autre façon de regarder le monde, sans heurts entre les générations, avec une bienveillance qui rassemble plutôt qu’avec des préjugés qui séparent.